Généablog

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Bruno FABRETTI (maj 20/05/2015)


Le commendatore Bruno Fabretti, giornalista, né le 15 septembre 1923, vicomte selon sa carte de visite, est le seul survivant des 48 déportés de Nimis, et l'un des 4 des représailles nazies qui provoquèrent aussi 33 victimes dans la ville voisine de Torlano.
Voici l'odyssée hors normes de ce cousin rescapé de Lodz, Dachau, Neuengamme, Bergen-Belsen, et Buchenwald !

"Le 8 septembre 1943 je me trouvais en Grèce.

Les forces alliées conquièrent la Sicile le 10 juillet, débarquent en Calabre et Campanie les 3 et 9 septembre, provoquant à Rome la panique dans la classe politique : le Roi Victor-Emmanuel III et le Grand Conseil fasciste relèvent Mussolini de sa charge, l'assignent à résidence, et confient le pouvoir le 23 juillet au Maréchal Badoglio qui s'empresse de négocier un armistice, signé le 3 septembre et rendu public le 8 par Eisenhower.

Parce que l'Italie signa l'armistice, nous soldats fûmes coupés du pays dans chaque partie du monde ; alliés des troupes allemandes avec lesquelles nous étions amis, nous devînmes tout à coup leurs ennemis.
Capturés comme militaires, sous le prétexte de nous ramener en Italie, ils nous amenèrent au camp de captivité de Lodz en Pologne.

Ce camp, à coté de Varsovie, était spécialement conçu pour les enfants, endormis pour être pendus, envoyés en chambre à gaz, tués à coups de marteaux, morts dans les wagons ou tués à l'ouverture, les nouveaux nés exécutés sous les yeux de leurs mères qui mourront d'infection.
Les Allemands rassemblèrent dans le ghetto de Lodz, centre de production de guerre important établi en février 1940, quelques 200 juifs polonais et 20 000 juifs d'Allemagne, Autriche, Tchécoslovaquie, Pays-Bas, Luxembourg. Par suite des conditions inhumaines et des déportations massives, il n'y avait plus que quelques centaines de détenus à la Libération.
Les juifs y étaient utilisés comme travailleurs forcés. 43 500 moururent de faim ou de maladies et 150 000 furent déportés vers les camps d'extermination d'Auschwitz et Chelmo. C'était le dernier ghetto existant encore en Pologne quand il fut liquidé en août 1944.

Là, en 2 mois je devins l'ami d'un triestino ; nous réussîmes à nous échapper du camp, et après 54 jours de marche de nuit, retournâmes lui à Trieste, moi à Nimis.

Frioul dérive du latin forum Iulii, nom de la cité, ancienne capitale de la région, fondée par Jules César.
Peuplée par les Vénètes dans la plaine et les Celtes Carni dans les Alpes Carniques, la région est colonisée par les Romains au IIe s av. J.-C., profondément influencée par la culture latine grâce à Aquileia, centre fluvial majeur, quatrième ville de l’empire avec plus de 200 000 habitants, capitale de la Venetie et Histrie. Le développement de Cividale et Zuglio assure une certaine prospérité. Exposée aux incursions barbares, elle décline à partir du milieu du IIe s, et est rasée par Attila. La capitale régionale est transférée à Forum Iulii (fortifiée au cours du Moyen Âge).
Nemas Castrum, Nimis (Nemus "bosquet sacré"), aux maisons entre vignobles et bosquets, est fortification clé de la défense romaine par sa position stratégique sur les voies de communication reliant Cividale...
où les Lombards créent un duché ; elle devient la ville la plus importante.
796 Concile concernant la christologie, le mariage et l'observation du sabbat
955 Incursions slave et hongroise
Le pouvoir du Patriarcat d'Aquilée s’accroit et contrôle la plus grande partie du territoire
3 avril 1077 L’empereur Henri IV accorde au Patriarche Sigeard le comté du Frioul avec des prérogatives ducales pour sa fidélité au pouvoir impérial 
1420 Il est annexé à la République de Venise 
1499 Invasion turque
XVIe siècle Famines, tremblements de terre, guerres, épidémies 
1516 L’Empereur d’Autriche prend le contrôle du Frioul oriental qui reste autrichien jusqu’à la fin de la Première Guerre mondiale (l'occidental reste vénitien jusqu’en 1797)
1648 Vendu par la République de Venise il devient autonome...
1866 et la région partie intégrante du Royaume d'Italie
Pendant le fascisme, le Frioul supporte un processus d’"assimilation" comprenant la modification des noms de famille et lieux pour des formes plus "italiennes", jusqu’à la détention pour les opposants, est intégré dans l’État allemand, intéressé par un débouché sur la mer Adriatique et  la création d’un État tampon, séparé du reste de l’Italie.
Durant l'occupation allemande, 40 à 60 000 Cosaques ayant collaboré avec les Nazis s'y réfugient car Hitler leur a promis la création d'un État Cosaque indépendant.
S'étendant sur 7 846 km2, bordée par l'Autriche au nord et la Slovénie à l'est, la région se compose de quatre provinces administratives : à l'ouest Pordenone (278 400 h) , Udine (518 852 h) au centre, Gorizia (137 800 h) à l'est et Trieste (299 830 h) au sud-est, sa capitale.
Les 1 300 000 habitants se répartissent en trois langues de la famille indo-européenne : italien (53.5 %), frioulan (43 %), slovène (4.7 %).
Jusqu’à la moitié du XXe s, le Frioul demeure une terre profondément rurale et très pauvre, d'où une émigration continue vers les États-Unis, Canada, Amérique du Sud, France, Benelux, Pays-Bas, Allemagne, Autriche, Suisse, Royaume-Uni, Roumanie, Afrique du Sud et Australie. Son développement débute dans les années 1960 : meuble, industries sidérurgique et alimentaire, réseau de distribution commerciale, industrie lourde, électro-ménager Zanussi-Electrolux à Pordenone (où a travaillé Emilio), tourisme (stations balnéairess de Grado et Lignano, sites majeurs de l’Adriatique, centres historiques d’Udine, Pordenone, Gorizia, Aquileia, Palmanova, Cividale, San Daniele, Gemona..., tourisme vert, villages alpins), agriculture, élevage, pêche et artisanat (bois et métaux, coutellerie, bijouterie, mosaïques, céramiques...)
"Mandi équivaut à salut (ciao). La signification se perd dans la nuit des temps : "dans les mains de Dieu", peut-être d'origine préchrétienne "dans les mains des dieux". En langue latine : "la main de Dieu te protège", "longue vie", "vas dans les mains de Dieu", "que tu restes longtemps (sur cette terre)"...

Le village est divisé par le torrent Cornappo : ne pouvant regagner ma maison coté ouest où se trouvaient Cosaques et SS, je rejoignis les partisans sur les cols de Nimis, Faedis et Torlano.

En 1923, le NSDAP (Parti National-Socialiste) dirigé par Adolf Hitler est engagé dans une lutte violente pour la conquête du pouvoir. Les Nazis s'appuient sur les SA (Sturmabteilung : Sections d'Assaut), milices armées paramilitaires constituées par Ernst Röhm et Hans Ulrich Klintzsch pour assurer la protection des meetings, multiplier intimidations violences et brutalités à l'encontre des opposants. Elles dépendent exclusivement de Klintzsch et en rien d'Hitler qui, en 1923, considérant avoir besoin de sa propre unité de protection rapprochée, décide la création d'un groupe d'élite de 200 hommes, "garde prétorienne" (Stabswache) totalement dévouée, à uniforme noir et emblème à tête de mort (Totenkopf), basée à Munich.
C'est l'origine de la Waffen-SS ou "SS Combattante", branche de la SS Allgemeine ou "SS Générale". L'Ordre Noir venait de naître...
En 1929, les SA sont comme une armée privée au sein de l'état, la force armée la plus puissante du parti nazi.
Les SS (Schutzstaffel : Section de Protection), prenant de plus en plus d'importance, Hitler, voulant "une organisation d'élite constituée de troupes issues du Parti et sûre en toutes circonstances", nomme à leur tête Heinrich Himmler, (Reichführer : Chef Suprême), avec une mission simple, faire de la SS une force armée puissante composée de soldats d'élite, capable de contre balancer les SA. Himmler mit en place un système de recrutement drastique ne sélectionnant que des hommes en excellente condition physique, aux origines raciales pures et adeptes convaincus des thèses nazies. Ils étaient 52 000 en 1933, contre 3 000 000 de membres des SA, pour atteindre 500 000 volontaires ou engagés de force.
Certaines unités ont été affectées aux champs de bataille, mais on connaît davantage leur rôle dans la destruction de la communauté juive.

En septembre 1944, la région fut encerclée et incendiée, et tous les gens évacués. Je me mélangeais à la population, mais à Tarcento je fus pris avec les jeunes garçons et filles de 15 à 30 ans qu'ils mettaient d'un coté, et les anciens de l'autre. Convoyés en colonnes par les SS jusqu'à Udine, emprisonnés 2 nuits, chargés à la gare dans des wagons à bestiaux en direction de Dachau, nous traversâmes le pays avec vêtements et bagages, pensant aller travailler comme mon père en Allemagne, ce que nous disaient les soldats au départ.

Convoi n°87 parti de Trieste le 2 octobre, matricule 112 872, arrivé à Dachau le 5 (avec Pietro Venerio).Mis en service le 22 mars 1933 près de Munich en Allemagne, Dachau, Quartier Général de la Waffen-SS, est organisé comme modèle des camps pour les adversaires du régime, juifs, nazis dissidents, ennemis personnels.
Ses kommandos fournissent de la main d'�uvre à Messerschmitt, BMW, Zeppelin...
Activités : Maçonnerie, menuiserie, serrurerie, sellerie, cordonnerie, fabrication de vêtements, boulangerie, boucherie, ferme expérimentale, jardinage, élevage d'angoras, entomologie (étude des insectes), armurerie, extraction de tourbe.
En 1938, après "la Nuit de Cristal", 10 000 juifs y sont emprisonnés.
Le 2 juillet 1944, un convoi, le "train de la mort", parti de Compiègne avec 2 000 détenus français arrive, le 5, avec plusieurs centaines de morts.
Une épidémie de typhus début janvier 1945 fait des milliers de victimes, jetées et entassés dans d'immenses fosses.
Cette maladie transmise par le poux du corps, au taux de létalité de 1 à 20%, se caractérise par de brusques accès de fièvre, des frissons, maux de tête, fortes douleurs musculaires, une fatigue extrême, puis une éruption de taches brunes entre le cinquième et sixième jour.
29 avril 1945 17 h, "les Américains sont là !", libération du camp par la 7ème armée américaine. 507 000 victimes y périrent.
La nuit du 9 au 10 novembre 1938 reste l'un des plus tristes moments de l'histoire allemande.
Des lois antisémites avaient mis à l'écart les allemands juifs, et d'autres leur avaient succédé : enregistrement des entreprises juives, carte d'identité spéciale, privation de passeport.
L'agression mortelle d'un conseiller de l'Ambassade d'Allemagne à Paris, Ernst vom Rath, par Herschel Grynszpan, un juif polonais de 17 ans, est le prétexte choisi pour relancer la politique antisémite.
Le 9 novembre, le ministre de la propagande, Joseph Goebbels, dénonce un "complot juif" contre l'Allemagne, et jette ses militants dans les rues le lendemain pour un pogrom de très grande ampleur : les SA, SS et Jeunesses Hitlériennes s'en prennent aux synagogues et locaux des organisations israélites, aux magasins et biens des particuliers, en tenue de ville pour faire croire à un mouvement populaire spontané.
91 juifs sont assassinés, blessés, maltraités et violentés, 280 synagogues incendiées, 7 500 boutiques détruites et pillées, de nombreuses habitations dévastées et presque tous les cimetières profanés.
Avec un certain cynisme, les nazis donnent à ces violences antisémites le nom poétique de "Nuit de Cristal", en référence aux vitrines brisées, et taxent la communauté juive d'une énorme amende pour cause de tapage nocturne !
De 20 à 35 000 juifs seront arrêtés, envoyés à Dachau, Sachsenhausen... et libérés contre rançon. L'extermination n'est pas encore d'actualité.

Au camp de jeunes Hitlériens entraient dans les files, nous crachaient dessus, donnaient des coups de pied dans les tibias et on se demandait ce que nous avions fait.
Ils nous firent entrer dans une grande halle, nous déshabillèrent complètement, prirent nos bagages, nous rasèrent tout le corps, nous désinfectèrent dans une grande cuve de créoline et nous tatouèrent un nombre sur le bras : on comprit alors que nous n'étions plus des hommes mais des numéros.
Je restais avec mes 48 compatriotes et ceux d'Attimis et Faedis environ 20 jours puis nous fûmes transférés à Neuengamme à 20 km d'Amburgo sur l'Elbe, où nous connûmes ce qu'était un camp dur : travail de 5 à 19 h, dans le froid, en costume rayé blanc et bleu, des espadrilles en toile aux pieds.

La créoline, désinfectant bactéricide, détruit puces et punaises.
Transport n°204 du 22 octobre.
13 décembre 1938, les SS déplacent cent détenus de Sachsenhausen à une briqueterie vide de Hambourg-Neuengamme, qui deviendra camp de concentration indépendant début été 1940.
Pendant la guerre, des dizaines de milliers de personnes sont expulsées des camps pour Neuengamme partout en Europe occupée.
Activités : Briqueterie, menuiserie, ateliers de munitions, horlogerie.
Main d'�uvre pour les usines du Nord-Ouest de l'Allemagne : cellulose, mines de sel, usine Volkswagen, fortifications, constructions navales, installations portuaires, base sous-marine et usine souterraine d'aviation, avions de chasse, et Pennemünde la base expérimentale des V2.
Peu habillés et peu nourris, les soins médicaux insuffisants, les conditions sanitaires catastrophiques, le harassement et les abus infligés par les SS déciment environ 55 000 des 106 000 détenus.
Du 6 au 30 avril 1945, une partie des prisonniers est évacuée vers Sandbostel, une autre sur le paquebot "Cap Arcona" et les cargos "Athen" et "Thiebeck" coulés en baie de Neustadt.
4 mai 1945, les troupes britanniques parviennent sur un site vide.
Après la guerre, des fonctionnaires SS, du NSDAP, de la Wehrmacht y sont internés, et en 1948 les anglais rendent le camp à Hambourg qui y établit un centre de correction. Vers la fin des années 60 les autorités judiciaires y construisent une autre prison.
Le Parti Nazi fondé en 1919 par un serrurier de Munich, Anton Drexler, est un des nombreux mouvements populaires existant en Allemagne suite à la défaite du pays lors de la Première Guerre Mondiale. Afin d'enquêter sur cet organisme, les services de renseignement allemands envoient le caporal Hitler contrôler ses activités. Impressionné, il le rejoint comme numéro 7.
Vers 1932, largement soutenu à travers l'Allemagne avec 13 750 000 voix, il devient le plus important groupe politique du Reichstag, le Parlement de la République de Weimar. Après l'interdiction ou le démantèlement de tous les autres partis jusqu'au 5 juillet 1933, et l'interdiction de nouveaux le 14, renommé NSDAP (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei : Parti National-Socialiste des Travailleurs Allemands) il arrive au pouvoir avec Adolf Hitler. "Nazi" fait référence aux membres de ce parti ou adhérents de cette philosophie.
Principale puissance politique de l'Allemagne nazie de la chute de la République de Weimar en 1933 jusqu'à la fin de la Seconde Guerre Mondiale en 1945, il est déclaré illégal, ses représentants arrêtés et reconnus coupables de crimes contre l'Humanité au Tribunal de Nuremberg.
(Wehrmacht : Puissance de défense) désigne à partir de 1935 l'ensemble de l'Armée de Terre Allemande.

5 h du matin appel et les ennuis si on ne se réveillait pas assez vite parce que le kapo de la baraque, le plus mauvais de tous, nous donnait de terribles coups de bâton derrière la tête. Poitrine nue, on se lavait dans la cour avec l'eau glacée par -20° en octobre puis l'appel qui durait 1h 1h1/2 ou plus. Nous avions un numéro sur la veste -j'avais le 62 588- qu'on devait savoir en allemand, car si on ne répondait pas ne comprenant pas la langue, un SS venait, le contrôlait, disait "ya" pour nous en nous frappant de 4-5 coups de bâton sur la tête. Ensuite, avant de travailler, toujours en rangs, ils nous donnaient des tranches carrées de pain noir avec un peu de margarine dessus, résultat d'une recherche scientifique des médecins du camp qui la tiraient des cadavres. Avec cette tartine il fallait tenir toute la journée jusqu'au soir. Puis même appel et coucher.
Avec mes compatriotes, comme on avait toujours faim, on parlait en allant se coucher du plus beau et plus cher des menus, mais il n'y avait rien. Alors on parlait de polenta, de fromage, et je me rappelais toujours mon grand-père qui nous disait lorsque nous étions tous à table : "Le fromage dans la main gauche, la polenta dans la droite, frotter le fromage avec la polenta et la manger". On parlait de ces choses simples, pas des amuse-gueule d'aujourd'hui, puis chacun au lit, où on devait dormir à 2 et où on était 4. Nos pensées allaient à nos maisons, nos mamans, et on priait Dieu : "Qu'avons nous fait d'aussi grave, à 20-30 ans, pour être punis. Dieu, où es-tu ?"
Un Monseigneur, un jour, a dit dans un sermon : "Dieu a envoyé Jésus-Christ sur Terre, avec mission de punir les méchants et les mauvais". Quand j'étais déporté dans ces camps, je me demandais qui étaient les mauvais et les méchants, et je n'arrivais pas à comprendre : "A quels mauvais et quels méchants se référait-il ? Nous, nous étions les méchants et mourions dans les camps d'extermination ?".
On implorait toujours Dieu, et toujours la pensée de la mamma était invocation à Dieu ; cela nous a sauvé et fait retrouver la maison.
12 000 000 d'êtres humains ont été déportés, 11 exterminés ; 1 seulement est revenu pour toute l'Europe : c'est vraiment peu.

Les Nazis ont organisé les camps de concentration peu après leur prise du pouvoir en 1933 afin d'enfermer et d'isoler leurs opposants politiques et ceux qu'ils considéraient comme "racialement" indésirables comme les Juifs et les Tziganes. La plupart de ces 1 800 camps étaient des camps de transition ou de travail. Dachau, Buchenwald et Sachsenhausen furent les premiers. Après l'occupation de la Pologne, ils organisèrent des camps d'extermination à Auschwitz-Birkenau, Treblinka, Sobibor, Belzec, Chelmno et Majdanek.
Les camps d'extermination avaient pour seul but le massacre de gens considérés comme irrécupérables. Les SS utilisaient la fusillade pour exterminer juifs et autres déportés, mais cette méthode étant peu "rentable" il développèrent en décembre 1941 le gazage au Zyklon B, produit insecticide, à Auschwitz-Birkenau et Majdanek, et dans la plupart des autres camps d'extermination, au monoxyde de carbone. Ils faisaient se déshabiller essentiellement les malades, infirmes, femmes enceintes, personnes âgées et enfants, leur donnaient un savon et les dirigeaient par groupe de 800 vers les chambres à gaz, pièces hermétiquement closes camouflées en salles de douche où en quelques minutes ils étaient gazés, puis enterrés dans des fosses communes que les SS leur faisaient creuser. Mais comme cela dégageait une odeur pestilentielle, on construisit les fours crématoires.
En 1942, les médecins SS testèrent la piqûre intracardiaque à mort directe, surtout utilisée pour les Polonais.
Pour éviter le développement de cette "race inférieure" les SS développèrent la stérilisation par opération ou méthodes biologiques.
Ugine a massivement produit ce gaz, comme le révèle un rapport du 24 février 1941 découvert en mars 1997 dans les archives du "Majestic", l'hôtel où siégeait le commandement de l'administration militaire allemande, dans lequel Kolb, délégué nazi à la chimie et directeur de l'IG-Farben, annonçait la spécialisation d'une des sociétés fondées avec Ugine dans "la fabrication et la réalisation de moyens de gazage et de bases d'acide cyanhydrique pour gazage", le Zyclon B sous licence allemande, dans l'usine de Villers Saint-Sépulcre (Oise).
Placées dans des boites métalliques hermétiques, des rondelles poreuses stabilisaient la combinaison chimique pour le transport. A l'ouverture, l'acide cyanhydrique liquide se vaporisait en gaz dont l'efficacité létale devenait maximale à la température de 27°, celle des chambres à gaz.

Les gardes nous amenèrent creuser la terre pour le grand four à briques du camp ; on la mettait sur des chariots qu'on amenait au four où d'autres les portaient à l'intérieur en continu. On creusait aussi un petit port afin que des péniches nous emmènent travailler à Amburgo bombardé chaque jour par les alliés ; on arrivait, déblayait les ruines, dégageait les routes et les magasins, et le soir on retournait se cacher dans les péniches.
Un jour, je me retrouvai sans compatriotes, sans friulani, alors je me suis lié avec des déportés russes qui étaient très affectueux avec moi, l'italien, et suis devenu leur ami ; ils me firent comprendre qu'ils allaient tenter de fuir pendant un bombardement, quand les allemands donnaient l'alarme et descendaient dans les refuges, alors que nous continuions à travailler sous les bombes.
Nous nous enfuîmes, mais un engin tomba près de moi faisant un massacre, je fus blessé au coté et à la jambe gauche et tombai dans une mare de sang. L'attaque terminée les allemands sortirent ramasser les blessés et ne sachant pas qu'on était en train de fuir, sinon ils nous auraient tués, nous rapportèrent dans le camp, et, plein de sang, me jetèrent sur un tas de cadavres devant ma baraque en disant : "Celui-ci mourra pendant la nuit". C'était la veille de Noël, je ne suis pas mort mais j'ai perdu connaissance. Aucune trace de cette nuit là dans mon journal. Sur le registre de Bergen-Belsen, à coté de mon nom et matricule, j'ai vu que j'étais arrivé le 2 janvier et reparti le 18 pour Buchenwald ; quinze jours dont je ne me rappelle rien.

Le camp de concentration de Bergen-Belsen est établi en 1940 près de Hanovre au nord de l'Allemagne pour recevoir des prisonniers Français et Belges, et d'Albanie, Grèce, Hongrie, Pays-Bas, Pologne, des juifs "protégés" pour échange. On le renomme Stalag 311 en 41 pour les prisonniers soviétiques, et en 43 lui redonne le nom de Bergen-Belsen.
125 000 détenus. Activités économiques : cuisines, chaussures, construction, défrichement.
Après un accord passé avec le commandant pour neutralisation à cause du typhus le 12 avril 1945, les SS quittent le lendemain le camp libéré le 15 par les troupes britanniques qui y découvrent 60 000 prisonniers émaciés et des milliers de cadavres non enterrés.
Il devient camp de réfugiés après la Libération, les forces armées du Canada participant à son administration.
Après "la Nuit de Cristal" en 1938, on y emprisonna environ 10 000 juifs. Dora-Nordhausen et Ohrdruf étaient deux satellites.
43 000 personnes y périrent avant la libération du camp.
Anne Franck et sa soeur y meurent du typhus en mars 1945, 3 semaines seulement avant la libération du camp.
Née le 12 juin 1929 à Francfort-sur-le-Main, elle a 4 ans lorsque sa famille fuit l'Allemagne nazie pour Amsterdam. Les Pays-Bas sont envahis le 10 mai 1940, les juifs contraints de se faire enregistrer en janvier 41, et obligés de porter l'étoile jaune en avril 42. Pour ses 13 ans, Anne reçoit de son père un cahier blanc et rouge, son journal intime nommé Kitty. Le 5 juillet, sa soeur Margot est convoquée par la Zentralstelle, synonyme de déportation vers un camp de travail forcé : le lendemain, simulant une fuite vers la Suisse, les Franck se cachent dans l'annexe de l'entreprise paternelle, dans un grenier fermé par une porte armoire secrète sans pouvoir en sortir ni faire de bruit, où ils seront rejoints par les Van Daan et un dentiste. Du 14 juin 42 à sa dernière lettre du 1er août 44, elle nous raconte ses petites histoires d'amour avec Peter le fils Van Daan, ses disputes, critiques, peurs, colères et la difficulté de vivre enfermé sous la menace d'être découverte, l'évolution psychologique des 8 personnes, comment entrevoir un court instant la rue. 6 juin 1944, les alliés débarquent en Normandie. 4 août, ils sont dénoncés, arrêtés et déportés à Auschwitz. Anne et sa soeur, malades, sont séparées de leurs parents et transférées à Bergen-Belsen en octobre.
Seul son père survécut. Otto est mort le 19 août 1980 en Suisse, après avoir consacré sa vie à la mémoire de sa fille.
"Qui nous a imposé cela ? Qui a fait de nous, les Juifs, une exception parmi tous les peuples ?" Journal d'Anne Frank - 11 avril 1944
15 juillet 1937, les premiers détenus allemands amenés de Lichtenburg débutent la construction du camp de Buchenwald en Allemagne centrale. Les premiers prisonniers furent des communistes et des juifs. Abrités dans quelques baraques, défrichant la forêt pendant des années sur une centaine d'hectares, ils bâtissent une véritable ville avec rues, avenues, usines et édifices en dur, les pierres provenant de la carrière. La seule construction de la voie ferrée et de la "Route du sang" reliant le camp à Weimar, où l'on entrait par un portail où se détachaient les mots "Jedem das Seine" ("A chacun son dû"), coûta la vie à plus de 10 000 déportés.
Main d'�uvre pour l'industrie : briqueterie, menuiserie, BMW, Opel, aciéries, AEG (munitions), Messerschmitt, construction aéronautique...
60 000 détenus meurent sur les 239 000.
3 avril 1945, les SS reçoivent l'ordre de liquider le camp. D'énormes convois évacuent vers Bergen-Belsen, Dachau, Flossenbürg, nombre de détenus qui périssent au cours des "marches de la mort" ou au terme du voyage, mais grâce à l'action de l'organisation clandestine, ils échouent dans leur ultime entreprise d'extermination.
5 avril, la 4ème DB américaine découvrent le kommando d'Ohrdruf.
11 avril, quelques heures avant l'arrivée des américains, les SS abandonnent le camp aux 25 000 derniers prisonniers.

A Buchenwald on nous emmenait agrandir le camp pour faire de la place aux autres déportés qui arrivaient de toute l'Allemagne ; on dormait sur le sable, par grand froid en cette fin janvier ou février.
Puis ils me choisirent pour travailler aux fours crématoires. Avec un tchécoslovaque nous étions devant une bouche et devions prendre les cadavres qu'on nous portait, les charger sur un chariot mécanique, les enfourner à 14-15 par tour, pendant 12 heures du matin au soir où une autre équipe travaillait de nuit. Nous ne pouvions en enfourner moins de 500 par roulement, et avec les six fours on ne réussissait pas à les mettre tous ; alors les allemands, ne pouvant leur donner de sépulture, ont amené un caterpillar, et pour ce travail on avait une portion de soupe en plus par jour : quelques navets, de l'eau colorée, mais cela nous stimulait pour continuer.
Nous étions devenus des épaves, ne pouvions parler et lorsqu'un SS donnait des ordres ne devions jamais lever les yeux parce que, pensant que nous ne voulions pas obéir, il sortait son pistolet pour nous tuer ; on était des robots.
Mais le 5 avril 1945 à 5 h du matin personne nous réveilla, et on s'aperçut que les SS étaient partis en laissant électrifiée l'enceinte afin qu'on ne puisse fuir. Plus de kapo ni d'SS. On entendait vers le sud les bombardements et dans la nuit voyait clignoter les canons.
Nous ne pouvions plus résister, mourant par milliers sur les places et dans les baraques, sans pain ni soupe.
Alors les russes me portèrent, "viens avec nous" ; avec de petits morceaux de boîtes métalliques ils allaient où il en mourait un pour, chaud encore, y prendre un morceau de peau qu'ils mâchaient, mais je n'ai jamais réussi à le faire.
Sur les latrines à ciel ouvert de la place, les allemands jetaient les épluchures de pommes de terre en les enfouissant pour qu'on ne puisse les prendre. Me rappelant ce détail, je suis descendu dans la boue jusqu'à la ceinture en chercher, et ainsi j'ai réussi à tenir 9 jours.
Au matin du 9ème jour les russes m'ont fait comprendre qu'ils étaient en train de fuir grâce à des poutres en bois pour isoler du courant, me portant car je ne pouvais plus tenir debout : "vas vers le bosquet en direction de la canonnade". A quatre pattes comme un chat, je me suis traîné et réfugié sous le feuillage où je suis resté toute la journée et la nuit ; le matin à peine l'aube levée je suis parti et suis arrivé dans une clairière où il y avait de vieux paysans qui plantaient des pommes de terre. J'ai attendu deux heures qu'ils finissent, et, tout doucement, suis allé près des sillons, j'ai creusé, et ce fut là mon premier repas de liberté : de toutes petites pommes de terre enveloppées de fumier, très bonnes !
Ensuite, toujours à couvert, j'ai descendu le col, et arrivé près de Weimar où est le monument de Goethe, j'ai vu sur la place centrale des américains arrêter les allemands et les désarmer ; je me suis livré à eux, ils m'ont accueilli, embrassé, et, ne tenant plus sur mes pieds, m'ont porté en ambulance à l'infirmerie, fait des piqûres et donné à manger.
Cependant, vous devez comprendre qu'avec la libération des milliers de déportés sont morts, arrivés au dernier stade : ils ont commencé à manger, leur estomac s'est bloqué et ils sont morts. Moi j'ai eu des dysenteries, contracté le typhus, plein de poux sur tout le corps, et c'est un médecin allemand qui m'a soigné.
Nous étions à Spandau près de Berlin ; les russes, tous les américains s'étant retirés vers l'Elbe, ont envahi la zone ; on est allés vers eux.
Ils nous donnèrent une vache vivante que nous avons tuée à coups de bâton et dépecée avec les couteaux.
Ils nous dirent : "nous vous ramenons en Italie mais pas par voie de terre car tous les ponts de l'Allemagne ont sauté. Nous vous amenons en Russie, ensuite en bateau en Italie". On a vite accepté. C'était fin avril et nous logions dans des familles de paysans à Odessa. Mais passés quelques mois à manger et boire sans rien faire, on voulait retourner à la maison.
Partis les premiers jours de décembre, après vingt jours de bateau nous sommes arrivés à Brindisi où étaient les autorités et la Croix Rouge qui nous prirent au port, nous emmenèrent dans une caserne, nous donnèrent de nouveaux vêtements, mille lires (environ deux millions d'aujourd'hui, ce qu'on ne savait pas n'ayant jamais vu pareille somme).
Nous devions faire une quarantaine mais on s'est dit : "On est revenus en Italie après 4 ans de manque de maison et on devrait rester 40 jours ici ?". Le soir même avec 4 autres nous avons pris le train et sommes arrivés à Mestre, où la police ferroviaire nous a fait descendre parce que nous n'avions pas de billet, nous a donné à manger et à boire, un billet de première classe, et parvenu à Udine, j'ai pris l'autocar pour Nimis et suis arrivé devant ma maison, réduite en un tas de décombres.
J'ai demandé où étaient les miens : mon père était mort dans les années 40, il me restait ma mère et mon frère. Mon voisin m'annonça qu'il était mort comme parachutiste, et ma mère évacuée il ne savait où. Après 15 jours de recherche à Tarcento, Buia, San Daniele je l'ai retrouvée à Feletto Umberto, hôte d'une famille. Le prêtre m'accompagna auprès d'elle que je n'avais pas vue depuis 4 ans et toujours implorée : la rencontre avec ma maman a été l'instant le plus émouvant de ma vie.
A Feletto ils étaient très solidaires et te donnaient à manger, mais comme j'étais un peu orgueilleux et ne voulais pas vivre comme tous les friulani dans cette dépendance, au bout d'une semaine je suis allé à Udine à la Chambre du Travail -l'actuel bureau de placement-, dis mon nom, que je revenais d'Allemagne, ma maison avait brûlée et je voulais trouver un emploi pour ne pas dépendre plus des autres. Un employé à lunettes et cheveux longs se montra au guichet : "Pas de souvenir de Dachau ?". Je ne l'avais pas reconnu car nous avions les cheveux rasés. "Donnes-moi ton adresse, que je te cherche un bon travail".
Il m'en trouva un comme Garde d'Etat assermenté dans la Brigade "Julia". "Je t'ai recommandé auprès du commandant".
Lorsque j'entrai dans son bureau il m'embrassa, m'emmena à la Caisse. C'étaient les premiers jours de janvier 1946, il me fit délivrer d'avance une solde de 2 450 Lires ; "tu commenceras au 1er février".
Avec cet argent j'ai acheté des chaussures, des assiettes et un visa, et je pensai à ma vie.
Il m'avait dit "reviens avec un certificat de 5ème classe", mais je ne l'avais pas car j'ai fait six ans de 2ème élémentaire, et n'ai jamais réussi à arriver à la 5ème parce qu'ils me renvoyèrent. Je suis resté en 2ème car le maître prisait du tabac "Zinziglio" et m'aimait bien. Alors, chaque matin, j'allais prendre 10 centimes de tabac et lui faisais son mélange à priser dans un grand mouchoir rouge : comme j'étais sa mascotte, il ne m'a jamais promu pour continuer.
Comment faire ? Je connaissais le maestro Masotti des classes élémentaires de Tricesimo et lui expliquai l'affaire : "Pas de problème, j'en parle au directeur ; entre temps vas au marché et prends-lui des asperges, il les aime". Et avec 1 kg d'asperges et 6 oeufs, le directeur m'a donné le certificat.
Tout en exerçant mon métier je continuais à étudier : classes moyennes, supérieures puis cours de journalisme à Urbino.
Les gens me demandent : "Monsieur Fabretti, comment avez-vous encore la force, après 50 ans passés à raconter ces choses dans les écoles ?"
Ce sont les personnalités rencontrées qui m'ont donné ce courage et incité à témoigner, sinon je ne serais jamais venu vous en parler ; et aussi le souvenir d'un grand-père à qui nous demandions de raconter sa guerre de Caporetto en 14-18 et ce pauvre nonno nous racontait toujours et toujours ses aventures.
Et d'autres : "Monsieur Fabretti, avec tout ce que vous avez supporté, combien d'allemands avez-vous tué ?"
Revenu à 22 ans, je n'avais que ma mère, plus de maison. Je regardais seul devant moi, seulement la bonne route, pas celle de la drogue et de la délinquance. Je devais me refaire une vie. J'ai construit une maison, trouvé une femme avec laquelle j'ai passé 50 ans de mariage (1949). Avec 4 enfants et 9 petit-enfants, je suis un père et un grand-père heureux.
Je n'ai tué aucun homme. J'ai su pardonner. Pour le montrer, j'ai fait un jumelage entre Nimis et Lach, un village près de Graz en Autriche. Ces gens ont été froidement accueillis, parce tout avait brûlé et il y avait eu tant de victimes : 54 déportés, les partisans et les morts des bombardements ; mais maintenant des rapports d'amitié se sont instaurés.
Je n'ai aucune rancune ni haine dans mon coeur, c'est ce que je veux vous enseigner."


Interview-conférence du 29 novembre 1999



23/07/2007

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